Faire s'envoler le voile de la peur. [PV: Kiam]

Le temps avait passé sans que Kiam ne s’en rende compte, occupé à contempler les reflets des cieux qui peignaient le lac. D’abord cette marée rousse qui éveillait la terre, suivit de son halo aveuglant qui la réchauffait, pour finir en une multitude d’éclats prêts à bercer notre sommeil. Son exploration des lieux n’avait guère avancée aujourd’hui, pourtant, il ne ressentait aucune frustration. Tout était si calme ! Il se sentait presque chez lui, comme auprès de cette mer colérique à laquelle il s’était habitué, seule la tranquillité de ces étendues d’eau l’étonnait encore. À tout moment, il s’attendait à voir le ciel se couvrir et les vagues déferler jusqu’aux premiers arbres qui les bordaient… et pourtant, non. L’eau restait paisible, aussi paisible que son cœur à présent qu’il s’était donné un but.

Reformer une meute. Le loup repensa son plan, tandis qu’il rebroussait chemin en direction de sa tanière du moment où sa sœur dormait surement déjà. Il fallait qu’il trouve d’autres loups, des qui connaitraient le fonctionnement de ces meutes, qui sauraient ce qui les avait décimées, et comment l’éviter. Des animaux de confiance, prêts à se regrouper au nom d’une idéologie d’entraide…
Un sourire étira ses babines. Ça ne devait pas être bien compliqué ! Tout le monde ne demandait qu’à vivre paisiblement.

Ainsi allaient ses pensées, tandis qu’il se trimballait entre les crocs sa dernière prise du jour, une truite, dont il comptait bien se nourrir avant de s’endormir. Seulement, petit détail, le poisson empestait, bloquant son flair, et il ne savait plus exactement où ils s’étaient installés. D’après son orientation, c’était dans les environs : sa sœur y avait trouvé un tronc creux bien confortable. Mais lequel ? Ses yeux balayèrent les environs avant de s’arrêter sur le premier d’une longue liste de suppositions. Certes, il aurait été plus simple de poser le poison et pister l’odeur de sa sœur, mais que voulez-vous… parfois, un excès de confiance vous laisse croire qu’un peu de chance suffira. C’est donc tout naturellement que Kiam se dirigea vers le mauvais tronc.

Il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser son erreur : le tronc semblait confortable pour une personne, mais à plusieurs, surement pas. Et puis… Oh !
Kiam laissa tomber son poisson contre le bois puis recula d’un bond lorsqu’il perçut un mouvement au fond de cette tanière de fortune. Immédiatement, il reprit appuie sur ses pattes à l’extérieur, les plia légèrement l’air prêt à bondir et abaissa la tête à hauteur de l’ouverture en grondant. Il n’aimait pas se faire surprendre de la sorte ! Bon, c’était un peu de sa faute : sans ce satané poisson, il aurait senti la présence de cet étranger bien avant d’y pénétrer. Mais tout de même : pas un bruissement, pas un son, à croire qu’il venait de croiser un mirage ! Et ce n’était pas comme s’il l’avait surpris pendant sa sieste : l’autre était parfaitement réveillé, il avait entraperçu des yeux le fixant !

— Qui es-tu ? jappa-t-il au hasard, des fois que l’autre daigne lui répondre.

Un instant… maintenant qu’il avait la gueule libre, il pouvait enfin humer le parfum de cet étranger qui embaumait les lieux à l’entrée du tronc. C’était… un loup. Non, une louve. Mince… L’agressivité du mâle se dissipa peu à peu, laissant place à une incrédulité évidente.