Caution is the key to survival ○ Pyralis

MÉFIANTE X DOUCE X OPPORTUNISTE X PATIENTE

Le silence. Un réconfort lorsqu’on est entouré de louveteaux qui débordent d’énergie. Le silence qui en dit parfois bien plus que des mots ou des actions de chacun. Mais en forêt, là où la vie ne s’arrête pas, là où la vie prend forme et se réduit à néant, le silence n’est ni apaisant, ni réconfortant. Terrifiant silence. Les oiseaux ne chantent plus, tous ont pris leur envol. Quant aux autres animaux qui habitent normalement ces lieux, ils sont soit terrés sous terre, soit eux aussi en route vers de meilleurs contrées.

Cela fait des jours, peut-être même plus, que ses pattes foulent le sol sans qu’elle ne connaisse sa destination. À quoi bon ? Nulle direction n’est la bonne quand le sort s’est acharné, que la mort s’est abattue sur tout ce qui était familier. Son corps est fatigué, son esprit tourmenté. Tout cela n’est pas grave. Tout cela n’a aucune importance. C’est son cœur qui l’inquiète, son cœur brisé, attristé. Survivre n’est pas synonyme de vie. Elle le sait, sa tristesse l’aveugle mais seulement de larmes infondées. Mère nature crée des merveilles mais est tout aussi cruelle que généreuse. Le temps ne joue pas en sa faveur, la maladie s’est propagée rapidement et est sans doute encore présente dans tout ce qui l’entoure. Les nombreux cadavres en sont la preuve, les herbivores ne pouvant s’empêcher de manger. Quant aux carcasses des carnivores, de pauvres âmes n’ayant pu résister à l’appel de la faim.

La faim. Elle tiraille, elle exige que ses crocs retrouvent la chair, que ses papilles retrouvent le goût de la vie éteinte en ce but. Mais la louve sait que la faim ne la tuera pas, que la faim n’est qu’un sentiment peu confortable qu’il n’est pas aisé d’ignorer, mais qu’il n’est pas mortel de repousser. Alors que la chair qui se porte à sa portée est infestée d’un prédateur contre lequel elle n’a aucune chance. L’ignorance lui permet de douter, est-elle déjà infectée ? Doit elle craindre pour sa survie, peut-elle envisager de se nourrir en défiant ouvertement la mort qui jusqu’à présent, n’a fait aucun quartier ? Si la maladie l’a déjà touchée, elle ne risque rien, si ce n’est accélérer sa perte. L’espoir l’en empêche. L’espoir l’étouffe, tant il est présent dans chacun de ses pas. Son instinct lui dit de vivre, de s’éloigner, de ne pas manger, d’éviter de trop boire, de ne pas se laisser approcher par les animaux pour qui il est déjà trop tard.

L’étendue d’eau qui se présente à elle est un obstacle incontournable. Elle ne voit rien à l’horizon, si ce n’est que la fin du monde. Croyances ridicules, mais loin d’elle l’envie de savoir si le monde est plat ou rond. Tout ce dont elle est certaine, c’est qu’elle ne peut retracer chemin. Et que la mort n’ayant que très peu de patience, elle doute fortement pouvoir en chercher un autre. Alors elle nage. Et nage encore un peu plus. En temps normal, elle  pourrait nager près d’une heure car la température de l’eau est correcte et il n’y a pas de courant. Affaibli, ses muscles crient au désespoir alors que l’horizon lui offre finalement ce même espoir qu'elle avait perdu en chemin. Quand ses pattes foulent à nouveau la terre, ces dernières cèdent une fois sortie de l’eau. Son corps s’effondre et l’espace de quelques jours, elle ne trouvera ni le courage ni la force de se mouvoir à nouveau.

La survie est un acte de base, qui pousse instincts et volonté à se croiser à mi-chemin. Son estomac ne demande plus de quoi se rassasier, pourtant elle doit manger. Et vite. Mais trouver une proie et la tuer demande de l’énergie, qu’elle n’a pas. Trouver un cadavre demande de la chance, qui ne lui sourit pas. Il y a deux loups dont les traces mènent à de vieux os, puis à une carcasse peu appétissante. Mais dans de pareilles conditions, elle ne fait pas sa difficile. Et les mois défilent. Et la louve suit toujours les deux loups qui semblent connaître leur destination. Elle peut très bien devenir la sienne. Au début, son corps meurtri ne lui permet pas de chasser, elle se contente des restes de ses congénères. Ils ont deux jours d’avance sur elle, alors elle n’a pas à s’inquiéter d’une rencontre pouvant potentiellement lui coûter la vie. Et le temps guérit tout, les cœurs brisés et la faiblesse physique. Elle perdra leur trace près d’une montagne, avant de la retrouver en empruntant un chemin plus dangereux qu’elle ne l’aurait aimé.

Sa famille, ses frères et sœurs, sa meute, elle n’en a qu’un vague souvenir. La louve a fait le choix d’oublier des années de bonheur, sachant que ça ne mène à rien. Ils sont tous mort, ou presque, emportés par une maladie qui les aura tous frappé de plein fouet. Elle n’était guère immunisée, simplement plus résistante. Et la lignée de sa meute perdure malgré tout, ayant vu de plus jeunes frères et sœurs choisir une autre destinée que celle de simple membre de la meute. Pour elle, l’histoire continue, alors l’oubli lui permet de vivre, non seulement de survivre. Mais elle n’a pas fait le choix de cette solitude qui ne la convient guère, qui la rend d’autant plus craintive du monde qui l’entoure. Chacun pour soi. Une devise dont elle ne connaît l’importance que depuis quelques mois.