Recherche tes origines [PV: Peyredragon]

La bête avait quitté les territoires tempérés il y avait de cela deux jours et deux nuits déjà. Il va s’en dire que le continent était vaste et les chemins pour se rendre du point A au point B n’étaient pas toujours favorables aux animaux terrestres… Durant ce voyage, justement, Peyre aurait eu bien besoin d’une paire d’ailes à une ou deux reprises. Les détours qu’il avait dû prendre avaient rallongé le périple du mâle de plusieurs heures, voir même une demi-journée entière. Mais l’animal n’était pas pressé, personne ne l’attendait, ou que ce soit. Il se mit alors à penser Zéphyr, son frère jumeau qu’il n’avait pas vu depuis maintenant deux ans…. Deux longues années à chercher un signe, une trace, ou n’importe quoi d’autre qui aurait au moins trahi la présence du frère…. Mais Zeph était resté introuvable, ni son odeur, ni sa silhouette, ni sa voix. Peyredragon ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir, de mettre en parti le déclin de sa meute sur la faute de son départ…. Mais la bête savait également que s’il revoyait Zéphyr vivant un jour, il ne pourrait s’empêcher de lui pardonner.

Le voile sombre de sa troisième nuit de route était maintenant tombé depuis quelques heures, mais la croisade du mâle touchait à sa fin, car au loin, d’une silhouette encore plus sombre que le ciel étoilé, la chaine de montagnes de l’extrême nord, qui marquaient la fin du territoire car infranchissable, était devenue visible à l’horizon depuis la fin de la matinée. Les anciens de sa meute racontaient qu’au travers les gorges escarpées, les grottes labyrinthiques et les pentes raides et abruptes de ces chaines de montagnes, se dissimulait un chemin bien dangereux, qui permettait aux animaux de toutes races, d’accéder au reste du continent. Peyre n’avait jamais cherché à découvrir cette route, car Terra était son foyer. Terra était chez lui. Terra était une partie de lui-même.


Les pattes du tricolore callait dans la divine robe enneigée du sol. Tapis voluptueux qui garantissait les basses températures de la région, un territoire qui avait toujours su attirer le loup, malgré ses légères préférences pour les zones boréales, berceau même de son enfance. À peine avait-il franchit les limites des terres polaires qu’une odeur envoutante vint bercer l’animal de son irrésistible douceur. Sitôt inhalée, sitôt Peyre en prit la direction, d’un pas agile et certain, car l’animal à l’origine de ce parfum n’était guère éloigné. Quelques minutes à peine ne lui suffisent, et la louve lui adressa la parole, d’une voix claire et lumineuse. Peyre ralenti ainsi la cadence graduellement, analysant la blanche femelle, jusqu’à se stopper non-loin d’elle.

« Bonsoir, très chère. Je me nomme Peyredragon, et je ne suis pas votre ennemi. »

Ne lui renvoyant pas la question de madame, Peyredragon lui laissait ainsi la liberté de se présenter, ou non.

Peyredragon inclina légèrement la tête. Il balaya la louve du regard, cherchant à remarquer un détail chez elle qui aurait pu lui échapper. Une marque, une cicatrice, une odeur... Mais rien de significatif chez cette femelle ne lui remémorait quelque chose. Le corps entier de la femelle semblait vouloir parler à sa place… Elle paraissait sur ses gardes vis-à-vis du mâle tricolore… Probablement avait-elle fait plusieurs rencontres au cours de sa vie… Certaines possiblement belles, mais d’autres… Peyre avait l’habitude avec ce genre de caractère, de ceux qui traînaient un lourd bagage derrière eux. Le mâle plongea ses yeux terreux au fin fond des prunelles violacées de la blanche. Une teinte peu commune… Et magnifique.

Suite aux éloquences du mâle, la louve sembla légèrement se détendre, sans toutefois baisser sa garde. Sans doute avait-elle eu ce réflexe par rapport à l’attitude de Peyredragon, lui qui était serein, posé, décontracté et d’un naturel réconfortant. Son énergie, il parvenait à la dégager et subséquemment, la propager à ses interlocuteurs pour ainsi bénéficier de cet apaisement passager pour mieux pouvoir dialoguer avec ces derniers. En conséquence, la dame arriva à relâcher la légère tension de son corps, et parvint à poursuivre ce doux échange entre les deux prédateurs.

Ainsi, Elemiah était son nom. Un élément dont Peyre ne sut trouver sa place au sein de ses mémoires… Non, la bête tricolore ne connaissait pas la louve, malgré leurs âges vraisemblablement rapprochés, en jugea-t-il par la silhouette de la blanche. Il était cependant véridique de dire que Peyredragon ne connaissait que très peu de loups en dehors des membres de sa défunte famille.

« Je suis plutôt originaire de la boréalie. Je ne m’aventure que très rarement en dehors de ces terres. »

Alors, pourquoi Peyre avait-il décidé, il y a deux jours, de quitter ce territoire, pour se déplacer à l’extrême nord ? Peut-être était-il inconsciemment encore à la recherche de son frère, ou alors son instinct l’avait-il poussé à chercher quelque chose d’autre ?

« Je suis également enchanté de vous rencontrer, Elemiah. Si je puis me permettre, que faites-vous au cœur d’une terre aussi éloignée et désolée ? »

La bête tricolore sourit à la question de la louve.

« C’est simplement le plus bel endroit qui existe. Jamais rien ne détrônera sa perfection. »

Et le loup, dans ses paroles, en était vaillamment convaincu. Il énonça ces quelques mots sans aucune défaillance dans l’intonation de sa voix, manifestant ses convictions sans une once d’incertitude. L’esquisse d’un maigre sourire, lui-même rempli de rêves et de souffrances amalgamés, sembla se dessiner au coin de sa gueule. Mais à peine Peyre eu le temps de rêvasser des jours heureux de son jeune temps, la dame blanche le tira cette chimère.

L’air illusoire du mâle s’effaça. Son regard se renforcit, se fronça, devenu presque sévère. Un grondement intérieur le saisit, lui qui n’avait guère pour habitude de passé d’un sentiment à un autre dans un laps de temps qui égalait une simple phrase. Lui, qui était de nature si stable et balancé. Peyredragon regarda un instant la louve, d’une attention toujours aussi neutre et interrogateur. Oubliez là d’où l’on était d’origine ? Le mâle tricolore était particulièrement doué lorsque venait le temps de sonder les esprits les plus troublés, mais son réel talent n’avait guère relation avec la psychologie de ses interlocuteurs. Sitôt, la femelle avait piquée, probablement inconsciemment, la curiosité du tricolore.

« Que voulez-vous dire par… » Il marqua un temps d’arrêt. « Ne pas se rappeler ? Vous avez oublié ? »

La bête était d’un naturel ouvert et confiant, mais toujours sur ses gardes. Surtout lorsque les étrangers qu’il rencontrait avaient de bonnes histoires à raconter. Et qui dit bonnes histoires ne signifiait pas nécessairement positive, les bons récits s’avéraient parfois être dramatiques.

Peyredragon s’assied, sereinement, dans un calme significatif qu’il tenta de transmettre à la louve, histoire de la mettre à l’aise.

Peyredragon écouta la belle d'une oreille attentive, pendante aux paroles de la louve. Il ne voulait clairement pas rater le moindre détail de ses dires. Son regard adroit et sincère plongeait dans le regard trouble et violacé de son interlocutrice, semblant triste. Qu'elle devait être la douleur, insurmontable, de voguer sur la mer d'une vie stable et bien bâtie, pour ensuite percuter un obstacle si énorme qu'il en cause ensuite le nauvrage de notre avenir. La belle devait probablement avoir vécu un tel évènement, pour ne pas se rappeler précisément de sa vie passée. Le cerveau est un organe bien surprenant, et sa capacité à se protéger lui même des souffrance psychologique est étonnante.

-" Et bien, chère dame, je suis fort heureux de vous rencontrer."

Pourquoi ? Car elle fut jadis dominante ? Non... Le mâle se reprit, pour ne pas paraître difficile.

-" Mais sachez que j'aurais été tout autant heureux de vous rencontrer, peut importe la vie que vous auriez menée autrefois."

Les rencontres que faisait Peyredragon étaient toujours positives à ses yeux, peu importe les origines de ses interlocuteurs.

Le mâle s'avança instinctivement vers la louve, d'une douceur exubérante. Tournant son attention vers l'horizon, Peyre prit une grande inspiration... L'air qu'il expulsa ensuite tourna immédiatement en un fin brouillard, qui se dissipa aussitôt.

-" Malgré la supériorité évidente de la boréalie" Dit Peyredragon d'un petit tond taquineur à l'égard de la louve. "Ces terres polaires doivent sceller en leur sein de magnifiques trésors qui ne demandent qu'à être explorés."

Peyre sourit paisiblement à la louve.

-" Si le désir vous en dit, un jour. J'aurai besoin d'un guide à travers ces terres enneigées et montagneuses."